Inégalités d’accès aux soins et mise en danger de la population
55 communes bretonnes mettent en demeure l’État
Face à la destruction systématique du service public de la santé par les différents gouvernements successifs, et au danger grave que cela fait peser sur leurs administré-es, 55 maires ruraux des Côtes d’Armor ont pris un arrêté mettant en demeure l’État face à ses responsabilités et à ses manquements. Cela représente pas moins de 16% des communes du département !
Initié par Gaël Roblin, élu de la gauche indépendantiste bretonne et conseillé municipal à Guingamp, cet arrêté dresse le constat d’« un département particulièrement impacté par la désertification médicale », où les différents services des hôpitaux « sont perpétuellement menacés de restructuration ou de fermeture (…) impactant ainsi, encore plus négativement l’accès aux soins ».
Il exige la mise en place d’un plan d’urgence d’accès aux soins dans le département, et le recrutement de professionnel-les de santé en nombre suffisant. Cela notamment par une régularisation claire des praticien-nes à diplôme hors Union européenne (Padhues), médecins étranger-es sous payé-es, précarisé-es, et constamment menacé-es d’être expulsé-es alors même que leur présence est devenue essentielle au bon fonctionnement de nos hôpitaux, et l’arrivée de médecins cubain-es via la mise en place d’un accord négocié avec la République de Cuba…. Ceci sous peine d’une condamnation pour l’État à une amende journalière de 1000 euros à destination de chacune des communes signataire de l’arrêté tant que le problème n’est pas résolu.
Signe de fébrilité du pouvoir ? Ou au contraire du mépris profond de celui-ci ?
Toujours est il que la préfecture des Côtes d’Armor renvoit aujourd’hui 15 des maires signataires auprès du tribunal administratif après avoir fait la morte pendant des mois. Le délais de contestation de l’arrêté est ainsi dépassé pour les quatre premières communes à l’avoir pris, permettant aux mairies concernées de réclamer leur 1000 euros d’amande journalière. Les 15 maires convoqués au tribunal comptent, pour leur part, se servir du procès comme tribune pour poursuivre leur bras de fer avec l’État.
La dynamique semble dans tout les cas bien lancée, avec un nombre de communes signataires qui augmente presque de jour en jour, et un mouvement qui semble bien parti pour s’étendre aux autres départements bretons. Depuis peu, plus d’une vingtaine de communes provençales viennent à leur tour de prendre un arrêté similaires en s’inspirant de l’exemple breton, portant au total le nombre de communes à plus de 75 à l’échelle de l’Etat français.
Cet arrêté répond a une situation catastrophique et criminelle.
À Guingamp, la maternité est à l’arrêt depuis plus d’un an. A Lannion, les urgences sont fermées (dites « régulées ») la nuit, tout comme à Carhaix (sauf pendant les Vieilles Charrues évidemment, capitalisme oblige), malgré les promesses de représentants de l’État pour calmer la colère de la population.
Plutôt que la réouverture promise, la Préfecture a préférée placer plusieurs dizaines de Centre-Breton-nes en garde à vue, syndicalistes et élu-es en tête. À Brest, des ancien-nes âgé-es de 90 ans ou plus passent des journées entières allongé-es sur des brancards, entraînant souvent des dégâts irréversibles. Le personnel de l’hôpital y a érigé récemment un mur de la honte pour dénoncer la situation. A Nantes, 4 personnes sont mortes cette été faute de prise en charge correcte aux urgences selon les syndicats, attendant parfois jusqu’à 70 heures avant qu’on ne s’occupe d’elles.
L'hôpital de Redon don nous remonte ce témoignage directe de camarades infirmiers illustre bien la situation catastrophique des hôpitaux :
« Grâce à l’arrivée de nouveaux médecins, les urgences ont enfin pu rouvrir, mais personne ne peut prédire pour combien de temps. Le service de soins continus ouvre et ferme en fonction de la présence ou non de médecins, fermeture de service que le personnel découvre le vendredi par un mot sur la porte.
L’hôpital a aussi connu des fermetures de service de soins de suite tout l’été, ainsi qu’une fermeture des unités de soins palliatifs, entraînant une surcharge des services de médecine déjà en souffrance, et déplaçant des patient-es en fin de vie sur des kilomètres. Loin de chez elleux et de leurs proches.
Des interventions chirurgicales sont aussi déprogrammées par manque de médecin. Des lits fermés dans tous les services…
Malgré la mobilisation des professionnel-les et de la population, le projet de nouvel hôpital n’avance pas.
Qu’en est-il du nombre de lits de l’hypothétique nouvel hôpital ? Des services transversaux (pharmacie, stérilisation, etc) ? D’un début de travaux ? En plus de devoir gérer, sans moyens, dans des locaux vétustes, une hausse des patient-es liée au tourisme. Les professionnel-les doivent faire face à une direction sourde et aveugle. »
À chaque fois, l’ARS et l’État prétextent un problème de manque d’effectif, alors qu’ils mènent en parallèle une politique de la terreur sur les soignant-es étranger-es, avec des expulsions qui désorganisent en permanence les services. Pour celles et ceux qui nous dirigent la santé et la vie des plus pauvres et des populations périphériques ne comptent pas.
Entre fin 2023 et 2024 le Centre Bretagne a connu plus d’une quinzaine de manifestations en un an pour la défense des services publiques, et particulièrement celle des hôpitaux.
Le tout dans une indifférence quasi totale, notamment de la part de la gauche et de ses appareils politiques. La montée du RN se nourrit pourtant largement de la rancoeur générée par ce sentiment d’injustice et d’abandon. Le basculement électoral progressif des campagnes du Trégor, ancien bastion rouge et dont les maires sont aujourd’hui en pointe dans la signature d’arrêtés contre l’Etat, vers l’extrême droite au cours des dernières années, est en ce sens très significatif et alarmant.
Longtemps, la Bretagne est restée imperméable aux relents du fascisme en raison d’une société plus égalitaire, d’un tissu associatif et social plus dense qu’ailleurs dans l’hexagone, et de ses particularismes culturels la rendant peu réceptive aux sirènes du nationalisme français. Elle paie aujourd’hui a son tour le prix des politiques néo-libérales imposées par un pouvoir parisien ultra-centralisé et autoritaire. Raison pour laquelle il est plus que jamais nécessaire pour nous d’obtenir un statut d’autonomie, à même de permettre à la population bretonne de décider par elle-même.
Rendez vous à Nantes le 28 septembre pour une Bretagne autonome, réunifiée, ouverte, rebelle et solidaire !
L’arrêté est disponible ici si vous voulez contacter votre maire afin qu’il le signe : https://x.com/gaelroblin/status/1817969776179749256
La carte des communes signataires : https://x.com/ComDefGuingamp/status/1829866326992830729
Pour en savoir plus sur la situation des Padhues harcelé-es par l’État : https://www.mediapart.fr/journal/france/180124/indispensables-mais-menaces-les-medecins-etrangers-alertent-sur-leur-precarite