Dispac'h – Collectif indépendantiste breton

Les identités trans contre l’Etat-nation

Les identités trans contre l’Etat-nation
Le weekend du 25-26 mai auront lieu des mobilisations contre les propositions de loi transphobes de LR et RN. Parmi les collectifs à l’origine de cette intiative, on compte entre autres Du Pain et des Roses, déjà à l’origine des rassemblements réussis du 5 mai. Ces mobilisations ont pour but de défendre les droits trans existants, de lutter pour ceux à conquérir, et de créer un large front contre l’extrême droite.

Ce projet de loi, qui sera examiné le 28 mai, a en effet pour but de marginaliser encore plus les personnes trans.

En premier lieu, il vise à interdire la transition médicale des mineur-es trans, à leur imposer un suivi psychiatrique et à sanctionner les soignant-es qui accompagnent un processus de transition. On devine vite que ce projet ne vise pas que les mineur-es mais, à terme, toute la population trans.
 
Déjà, ce projet de loi attaque la liberté à disposer de son corps, un principe qui a toujours été précaire non seulement pour les personnes trans mais aussi pour toutes les personnes LGBTQIA ainsi que pour les femmes. Ce n’est pas un hasard si les attaques contre l’avortement ont succédé aux attaques contre les droits trans dans les pays où de telles mesures ont été prises, comme aux Etats-Unis et en Russie.
 
De plus, ce projet provient des sphères anti-trans, dont le but est, à plus ou moins long terme, de viser toutes les personnes en-dessous de 25 ans, en invoquant l’argument fallacieux de maturation du cerveau. Les âges de 18-25 ans étant déterminants pour s’insérer socialement, il s’agit ni plus ni moins que d’empêcher les personnes trans de mener une vie normale.

Cela intervient dans un contexte global de montée de l’extrême droite, d’attaques de tous les mouvements sociaux, et d’offensive transphobe de la part des milieux réactionnaires et conservateurs.

Depuis quelques années, le sujet trans a commencé à avoir de la visibilité. La loi de 2016 – votée suite à plusieurs condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme – permet de changer d’État civil plus facilement. Le nombre de personnes trans a augmenté, et ce, non pas à cause d’une prétendue « épidémie trans », et pas non plus à cause de « transactivistes » qui endoctrineraient de jeunes autistes, mais tout simplement car davantage de personnes ont pu mettre des mots sur un malaise qui était autrefois tu.
 
Les revendications des personnes trans restent cependant mal traitées médiatiquement. Le sujet est plus sollicité pour faire le show que pour communiquer des informations sourcées. Et dans les rares émissions où une personne trans est invitée à parler de sa condition, elle doit faire face à des propos injurieux qui ne laissent pas de place à un débat équilibré. Citons par exemple l’intervention de Marie Cau face à Dora Moutot en décembre 2022.
 
Déjà mobilisés en 2013 contre le mariage pour tous-tes mais ayant perdu la partie, c’est donc logiquement sur ce sujet que les réacs contre-attaquent. Ce sujet étant globalement méconnu, il subit facilement de nombreuses paniques morales sur base de complotisme. Quoi de plus efficace en effet, pour soulever l’émotion chez un public peu averti, que d’invoquer la sécurité des enfants ? La Manif Pour Tous le faisait déjà pour s’opposer à l’adoption par les couples homosexuels.

Cependant, même en dehors d’un camp clairement réactionnaire, certaines personnes peuvent être tentées de n’y voir là qu’un problème individuel, de penser que la lutte trans n’est pas vraiment politique.

Cette idée s’appuie entre autres sur la représentation grandissante de personnes trans dans les séries et les films : cette soudaine visibilité aurait servi à pallier à tous les problèmes. Le propos ici n’est pas de nier que cette représentation a pu apporter des changements dans la perception du sujet : on peut supposer que, par ce biais, des personnes trans ont pu mettre des mots sur leur transidentité et accéder à des parcours de transition, et que des personnes cis ont pris connaissance de l’existence même des personnes trans.
 
Cependant, ces représentations servent souvent une vision bourgeoise de la transidentité. Dans la vraie vie, les personnes trans font encore face à énormément de difficultés. Celles-ci sont tout d’abord d’ordre administratif : le fait d’avoir sur ses papiers un sexe qui ne correspond pas à la réalité sociale de la personne l’expose directement à des discriminations dans la recherche de logement ou de travail. 
 
Elles sont aussi d’ordre médical : les personnes trans ont le choix entre payer des endocrinologues dans le privé – ce qui, en dehors de la question purement financière, n’est pas toujours possible, en particulier dans les déserts médicaux –, et entre postuler à un parcours pris en charge par la sécurité sociale mais au sein d’équipes autoproclamées officielles, aux connaissances parfois douteuses et aux pratiques souvent maltraitantes. A cela s’ajoutent les difficultés familiales et sociales : trop de personnes trans se font encore rejeter par leur famille et leurs proches.
 
Par conséquent, les personnes trans tombent souvent dans la précarité et l’isolement, situation dont elles peuvent avoir énormément de mal à se relever, en particulier si elles viennent de classes sociales défavorisées. Le changement de sexe à l’État civil permet d’améliorer la situation. Mais c’est un processus long, encore judiciarisé, et souvent humiliant : les personnes trans doivent prouver qu’elles vivent bien dans le genre souhaité, en performant un genre selon des stéréotypes que même les personnes cis ne remplissent jamais totalement.
 
Rappelons que, jusqu’en 2016, ce changement était encore conditionné à la stérilisation, et qu’aujourd’hui, de trop nombreux juges continuent à demander des preuves d’opérations alors même que la loi précise que ça ne peut pas être exigé.
 
La situation est encore plus complexe quand différentes oppressions se croisent, par exemple dans le cas des personnes trans racisées ou des personnes trans prolétaires. Mentionnons également les personnes trans immigrées : afin de réellement inclure toutes les personnes trans, il est nécessaire de lutter pour l’abrogation de la loi immigration et pour la régularisation de tous les sans-papiers.

En réalité, cette représentation, quand elle est vue comme fin en soi et pas juste comme un moyen de lutte, est une pure récupération du capitalisme.

C’est une manière de donner des miettes au mouvement trans pour faire taire des revendications qui pourraient remettre en question le patriarcat. Elle sert aux gouvernements néolibéraux à dépolitiser la question et à en étouffer la dimension transgressive.
 
Ce cadre néolibéral ne permet que de revendiquer une identité aseptisée, sans contenu revendicatif, permettant de poursuivre un objectif d’atomisation des invididus dans une société vidée de ses communautés et dans laquelle tout le monde est interchangeable. Une société où la seule identité à revendiquer est celle d’un État-nation français de plus en plus autoritaire et guerrier.
 
Ce pinkwashing devient même de plus en plus un argument pour mater des potentiels foyers de révolte : il sert d’argument pour aller civiliser les habitants des quartiers populaires qui seraient intrinsèquement LGBTQIA-phobes – ceux-là même qui sont trop éloignés des sphères de pouvoir pour avoir un quelconque impact sur les lois, et alors même que siègent dans le gouvernement pas moins de sept ministres qui ont participé à la Manif Pour Tous en 2013. Cette récupération aux relents civilisationnels est à mettre en parallèle avec le pinkwashing de l’État d’Israël, où la place donnée au sujet LGBTQIA est parfois prise comme argument pour justifier le génocide des Palestinien-ne-s.

Réaffirmons que défendre les droits des personnes trans est pleinement politique et va contre l’ordre établi.

Les existences trans seront toujours une déviance dans le projet fasciste d’un Etat de plus en plus autoritaire. La lutte politique ne réside pas dans l’intégration au capitalisme mais dans la construction d’un mouvement révolutionnaire, en lien avec tous les groupes opprimés. 
 
En plus des revendications pour le changement d’État civil libre et gratuit et la fin de la mention du sexe à l’État civil, pour des moyens massifs dans les droits médicaux et reproductifs, demandons l’abrogation de toutes les lois répressives : loi de 2004 sur les signes religieux à l’école, loi immigration, loi de pénalisation du client du 13 avril 2016, sécurité globale, et l’amnistie de tous-tes les réprimé-e-s du mouvement de solidarité avec la Palestine.
 
Nous appelons à manifester le 26 mai pour dénoncer l’offensive anti-trans et pour construire un large mouvement contre l’extrême droite, contre ce gouvernement et contre un Etat français chaque jour de plus en plus nauséabond.
Dispac’h, le 24 mai 2024
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