L’urgence de l’autonomie face à l’urgence du logement
La crise généralisée du logement ne cesse de mettre la pression aux instances politiques et leurs représentant.e.s depuis plusieurs années et de manière continue.
Encore ces dernières semaines, l’actualité est bien fournis en la matière en Bretagne : la timide extension des zones tendues, la victoire contre Airbnb d’une habitante de Saint Malo, la sortie du livre Bretagne Secondaire du journaliste Benjamin Keltz ou encore la monté au front de la député macroniste Annaig Le Meur et de son homologue socialiste basque Iñaki Echaniz pour la régulation des locations à courtes durées (LCD). Autant d’évènements qui pressent encore plus à agir rapidement contre ce que tous s’accordent d’ores et déjà à appeler une « bombe sociale » .
La lenteur de réaction et le manque de concertation du pouvoir centralisé à Paris constitue déjà une sacrée épine dans le pied pour la Bretagne pour qui la crise du logement dure et devient de plus en plus insupportable. Cependant, on s’autorisait un peu à espérer quelques petits changements, venant de Paris, pour une fois.
Douche froide ce mercredi 6 décembre pour nos deux porteurs de la proposition de loi visant à durcir la réglementation des location de meublés touristiques. Les députés RN et LR, grand défenseurs de la bourgeoisie et du profit, ont fait traîner les débats et in fine empêché le vote de la proposition de loi, la reportant à 2024. Rappelons que ce texte devait déjà être discuté au printemps dernier ! Peut-on y voir une stratégie pour repousser l’adoption et l’application de la loi après le JO 2024 comme on a pu le lire ici et là ? Très certainement, puisque la question de l’hébergement pour les JO de Paris est au centre des inquiétudes et, qu’il faut l’avouer, le système Airbnb s’avère être très pratique pour palier à cette problématique.
Paris joue la montre au détriment des classes populaires et moyennes qui peinent à se loger, et par sont nombrilisme autocentré en fait profiter tous les territoires, la Bretagne en tête !
Prise de conscience au Conseil Régional, aucun pouvoir
Notons tout de même qu’en Bretagne nous disposons d’élu.e.s qui s’intéressent de prêt à la crise du logement, et heureusement. Le Conseil Régional de Bretagne présidé par Loig Chesnais Girard doit se réunir les 13, 14 et 15 décembre prochain et parler… de logement !
Un groupe de travail avait été lancé en avril 2022 afin de fournir un diagnostic et une feuille de route à la région pour répondre à la crise du logement. Cette dernière, nommée « Répondre à la crise du logement à travers une action publique concertée et l’invention collective d’un nouveau modèle breton », sera débattue à la session de décembre du Conseil Régional.
On parle ici d’un document de 60 pages qui pose un constat (à raison) très alarmiste sur le logement en Bretagne dont on ne peut que se réjouir, enfin une analyse et une prise en compte lucide de la situation. On trouve aussi dans cette feuille de route 31 actions / propositions afin de répondre à la question du logement Bretagne et en fonction des compétences de la région, c’est à dire quasiment aucunes !
Si, en préambule, le Président Chesnais Girard affiche sa volonté ferme d’être moteur et animateur d’une politique du logement en Bretagne, en réalité et en déroulant les 4 grands axes du texte, le Conseil Régional se placerait seulement comme un coordinateur des questions de logements, et non comme un acteur décisif et efficient. Ainsi chaque proposition se fond dans un corps mou, débutant à chaque fois par des formes verbales douces telles que « inciter », « favoriser », « accompagner », « encourager »… En somme rien de révolutionnaire et contraignant pour celleux qui profitent de la crise du logement.
Pour nous, cette feuille de route passe complètement à côté du problème même si elle semble de bonne foi. Elle ne propose aucun outil ou contrainte réglementaire qui puisse permettre de libérer massivement des logements déjà existants mais non occupés. Pire, on propose de relancer la construction de nouveaux logements (objectif 25 000 par an sans compter la Loire-Atlantique)… en relançant la formation et bien sur en respectant les objectifs du Zéro Artificialisation Net.
Nous voulons bien admettre que la Bretagne revêt un aspect mystique, mais malheureusement la magie n’est pas compatible avec la politique, encore moins avec les réalités sociales et sociétales. Idem, on ne soigne pas une hémorragie en posant un pansement, comme la proposition d’action n°16 déjà expérimenté, et qui consiste à héberger les travailleurs saisonniers dans les internats des lycées gérés par la région…
L’autonomie, vite !
Ce plan régional, bien brossé il faut l’admettre, nous paraît peu ambitieux et sera très probablement inopérant face à la gravité de la crise que nous traversons.
Entre une région Bretagne lucide sur le problème mais sans compétences et un État français qui laisse au mieux traîner la situation voir qui l’attise par intérêt de classe et stratégies politiques, que nous reste t-il pour agir ?
Pour nous, la réponse est simple, il faut redonner du pouvoir et des capacités de décision au niveau local. Les élu.e.s breton.ne.s doivent prendre leurs responsabilités face à un exécutif centralisé et autoritaire, pour cela ils doivent faire preuve de bien plus de courage politique. Loig Chesnais Girard s’est positionné en faveur de l’autonomie de la Bretagne, certainement pas la même autonomie que nous appelons de nos vœux, mais c’est tout de même un pas dans le bon sens de l’histoire dont nous nous réjouissons.
Pour pouvoir pallier aux manquements de Paris et affronter les réalités de notre territoire il nous faut des compétences législatives et des capacités de régulations possibles uniquement par plus d’autonomie, au moins dans un premier temps.
Le Président Chesnais Girard ira t-il exiger, et non mendier, un statut d’autonomie pour la Bretagne ? Sans cela, on le sait bien, Paris ne lâchera rien, il est temps de faire preuve de courage politique. La question du logement, comme toutes les questions politiques, sociales et environnementales en Bretagne, sont indissociables du besoin d’émancipation des habitantes et habitants de Bretagne.
Gageons que les semaines et mois à venir devront être déterminant en terme de mobilisations et de pressions sociales pour faire avancer la question du logement et se diriger vers plus d’autonomie.
Dispac’h, le 13 décembre 2023