Dispac'h – Collectif indépendantiste breton

Projet de loi anti-trans : il ne faut pas dire que les transphobes sont transphobes

Projet de loi anti-trans : il ne faut pas dire que les transphobes sont transphobes
Le Sénat a adopté la proposition LR sur les transitions de genre sur les mineur-es. Le gouvernement s’y oppose mollement mais personne ne se fait d’illusion. Ce vote en soi constitue déjà une offensive transphobe très inquiétante dans le contexte actuel.

Le texte voté retient les propositions d’interdire les transitions médicales et les chirurgies chez les mineur-es trans.

Ce ne serait pas du tout par transphobie – d’ailleurs, dénoncer la transphobie, ce serait adopter une vision trop manichéenne -, mais pour protéger les mineur-es.
 
Rappelons déjà que les cas de transitions médicales restent assez rares chez les mineur-es, et les opérations encore plus. Les transitions sont surtout sociales. Ensuite, les mineur-es qui ont recours aux hormones ou aux opérations le font de manière très encadrée. Mais les anti-trans ont monté le sujet en épingle de manière à faire croire que l’on donne des hormones ou que l’on opère des enfants dès la minute où iels s’affirment trans. 
 
Rassurez-vous, bigots : même pour les adultes, l’accès à la transition médicale est encore assez compliqué et barré de garde-fous ; ce n’est pas demain que les personnes trans seront réellement libres de disposer de leur corps. Les fondements d’une société patriarcale, basée sur une différence indépassable entre les sexes, sont encore bien trop en place pour que s’effondre votre conception de la société.

La vérité, c’est que ce prétexte d’interdire les transitions médicales ignore les véritables enjeux : les mineur-es qui souhaitent transitionner médicalement continueront à le faire, mais sans suivi médical.

Si les individus qui ont voté cette loi connaissaient leur dossier et les véritables parcours des personnes trans, ils sauraient qu’en raison de la psychiatrisation des parcours – encore effective malgré le retrait de la transidentité des maladies mentales et la loi de 2016 – certaines personnes ont encore retour à l’achat d’hormones sur Internet ou au partage de doses, et ce donc, sans supervision médicale. On peut désormais prévoir que les mineur-es trans auront de plus en plus recours à ces alternatives.
 
Permettre la transition médicale, ce n’est pas encourager les transitions, c’est permettre à des gens, qui le feront de toute façon, de le faire en sécurité. Les vrais enjeux sanitaires, ils sont là, pas derrière une “épidémie trans”.

Le texte a dû revenir sur l’interdiction des bloqueurs de puberté. En revanche, ceux-ci seront prescrits au minimum deux ans après une première consultation au sein d’équipes pluridisciplinaires.

Ce suivi est censé permettre un “diagnostic fiable”. Mais, premièrement, personne ne vient là par hasard : quand une personne franchit le pas de consulter des médecins dans le cadre d’une transition, c’est généralement que la plus grande partie de la réflexion a déjà été faite et que la situation n’est plus tenable.
 
Ensuite, ces “diagnostics fiables”, on les connaît. Ce sont ceux que les équipes pluridisciplinaires, autoproclamées équipes officielles, ont donné pendant des années à des personnes trans adultes. Qui est pourtant mieux placé que la personne trans elle-même pour déterminer son identité de genre ?

Car en quoi consiste la fiabilité de ces diagnostics, au fond ? Ils vérifient en fait si la personne correspond bien à toute une liste de stéréotypes bien rétrogrades.

Si on jouait à la poupée ou aux voitures quand on était petit-e, par exemple – et interdiction d’être autre chose qu’hétéro dans le genre d’arrivée, seules les personnes cis peuvent être homo. 
 
Evidemment, personne ne rentre totalement dans ces stéréotypes. Les personnes trans doivent donc être stratégiques et mentir pour accéder aux traitements, en inventant un profil de candidat-e conforme. Ironie du sort, c’est ensuite elles qu’une certaine partie des anti-trans accuse de perpétuer les stéréotypes de genre.
 
On peut parler aussi de devoir attendre, pendant au moins deux longues années, et alors qu’on est déjà assez sûr-e de sa décision en venant, un bout de papier certifiant qu’on est bien trans – et ceci dans l’hypothèse ou le fameux diagnostic est bien posé, ce qui n’est pas toujours le cas, tout étant laissé au bon vouloir des psychiatres.
 
Transitionner, c’est souvent un besoin vital. Ce n’est pas une simple expression : le taux de suicide est environ huit fois plus élevé chez les personnes trans que chez le reste de la population. Un-e mineur-e qui transitionne, c’est un-e mineur-e qui ne se suicidera pas. Mais à droite, visiblement, on aime mieux voir les enfants morts que trans. N’y voyons aucune transphobie ; d’ailleurs, les personnes trans, ça n’existe pas vraiment, c’est juste un effet de mode.

Le gouvernement viendra peut-être s’opposer aux éléments les plus abjects de cette loi et s’afficher en sauveur magnanime. Il n’empêche qu’il s’agit d’un des projets de loi les plus restrictifs d’Europe.

On aurait préféré que l’Etat français s’inspire d’une de ses plus proches voisines, la Catalogne Sud. Dans la Communauté Autonome de Catalogne, dès 2012, il a été créé un service de santé trans, nommé Trànsit, entièrement dépsychiatrisé, où les gens peuvent accéder à des traitements sans suivi psychiatrique interminable, tout étant basé sur l’autodétermination.

Incroyable mais vrai : la civilisation ne s’est pas effondrée en Catalogne. Le concept d’Etat-nation, lui, y a cependant moins de prise – au grand désarroi des anti-trans de là-bas. D’un point de vue breton, on ne peut s’empêcher d’y voir une analogie dans le rapport qu’un Etat peut entretenir avec ses différentes communautés. Il va falloir qu’un jour l’Etat français arrête de nier l’existence de ses minorités et de vouloir faire rentrer tout le monde dans son moule universaliste.

Dispac’h, le 4 juin 2024
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